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Où je parle de la mémoire, et des habitudes spirituelles

Je n’avais garde de parler dans ce chapitre de la mémoire ni des habitudes spirituelles pour plusieurs raisons, dont la principale est que nous n’avons point d’idée claire de notre âme. Car quel moyen d’expliquer clairement quelles sont les dispositions que les opérations de l’âme laissent en elle, lesquelles dispositions sont des habitudes, puisqu’on ne connaît pas même clairement la nature de l’âme ? Il est évident qu’on ne peut pas connaître distinctement les changements dont un être est capable, lorsqu’on ne connaît pas distinctement la nature de cet être. Car, si par exemple les hommes n’avaient point d’idée claire de l’étendue, ce serait en vain qu’ils s’efforceraient d’en découvrir les figures. Ce serait en vain qu’ils tâcheraient de rendre raison de la facilité, par exemple, qu’acquiert une roue à tourner autour de son essieu, par l’usage qu’on en fait. Cependant, puisqu’on souhaite que je parle sur une matière qui ne m’est pas connue en elle-même, voici le tour que je prends pour ne suivre en ceci que des idées claires.

Je suppose qu’il y a un Dieu qui agisse dans l’esprit et qui lui représente les idées de toutes choses, et que, si l’esprit aperçoit quelque objet par une idée très claire et très vive, c’est que Dieu lui représente cette idée d’une manière très parfaite.

Je suppose de plus que, la volonté de Dieu étant entièrement conforme à l’ordre et à la justice, il suffit d’avoir droit à une