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repos, vient du pécheur ; mais ce ne sont que des privations et des néants dont la créature est capable.

Tout plaisir est bon, et rend même en quelque manière heureux celui qui en jouit, du moins pour le temps qu’il en jouit. Mais on peut dire que le plaisir est mauvais parce que, au lieu d’élever l’esprit à celui qui le cause, il arrive par l’erreur de notre esprit, et par la corruption de notre cœur, qu’il l’abaisse vers les objets sensibles qui semblent le causer ; il est mauvais, parce que, étant pécheurs, et par conséquent méritant plutôt d’être punis que d’être récompensés, c’est une injustice à nous d’obliger Dieu en conséquence de ses volontés à nous récompenser par des sentiments agréables. En un mot (car je ne veux pas répéter ici ce que j’ai dit ailleurs), il est mauvais, parce que Dieu le défend présentement, à cause qu’il détourne de lui l’esprit qu’il n’a fait et ne conserve que pour lui. Car ce que Dieu avait autrefois ordonné pour conserver l’homme juste dans l’innocence arrête présentement le pécheur dans le péché, et les sentiments du plaisir qu’il avait sagement établis, comme les preuves les plus courtes pour apprendre à l’homme sans détourner sa raison de son vrai bien, s’il devait s’unir aux corps qui l’environnent, remplissent maintenant la capacité de son esprit, et l’attachent à des objets incapables d’agir en lui et infiniment en-dessous de lui, parce qu’il regarde ces objets comme les causes véritables du bonheur dont il jouit à leur occasion, et qu’il ne dépend point de lui d’arrêter les mouvements qu’ils excitent en lui.