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pas une suite naturelle de la volonté de Dieu, laquelle est toujours conforme à l’ordre, et demeure toujours la même ; c’est une suite du péché qui a rendu l’homme indigne d’un avantage dû seulement à son innocence et à sa justice ; ainsi on doit dire que Dieu n’est point la cause de la concupiscence, mais seulement le péché, qui a changé en dépendance l’union de l’âme et du corps.

Cependant ce qu’il y a de positif et de réel dans les sentiments et dans les mouvements de la concupiscence, Dieu le fait, car Dieu fait tout ce qui est réel, et cela n’est point mauvais (Cf. S. Augustin, Contre les deux épîtres des Pélagiens, livre I, ch. XV, etc.). C’est par la loi générale de la nature, c’est par la volonté de Dieu que les objets sensibles produisent dans le corps de l’homme certains mouvements, et que ces mouvements excitent dans l’âme certains sentiments utiles à la conservation du corps, ou à la propagation de l’espèce. Qui oserait donc dire que ces choses en elles-mêmes ne sont point bonnes ?

Je sais bien que l’on dit que c’est le péché qui est la cause de certains plaisirs. On le dit, mais le conçoit-on ? Peut-on penser que le péché qui n’est rien, produise actuellement quelque chose ? Peut-on concevoir que le néant soit une cause véritable ? Cependant on le dit. Mais c’est peut-être qu’on ne veut pas prendre la peine de penser sérieusement à ce qu’on dit. Ou bien c’est qu’on ne veut pas entrer dans une explication qui est contraire à ce qu’on a ouï dire à des personnes qui parlent peut-être avec plus de gravité et d’assurance, que de réflexion et de lumière.

Le péché est la cause de la concupiscence, mais il n’est pas la cause du plaisir, comme le libre arbitre est la cause du péché, sans être la cause du mouvement naturel de l’âme. Le plaisir de l’âme est bon physiquement aussi bien que son mouvement et son amour, et il n’y a rien de bon que Dieu ne fasse. La rébellion du corps, et la malignité du plaisir, viennent du péché, comme l’attachement de l’âme à un bien particulier, ou son