Page:Malebranche - Tome III - De la recherche de la vérité, 1964.djvu/43

Cette page n’a pas encore été corrigée

ce que, selon ses désirs et ses différentes applications, il arrêtait la communication des mouvements qui étaient produits dans son corps par ceux qui l’environnaient, sur lesquels sa volonté n’avait pas un pouvoir immédiat et direct comme sur le sien propre. On ne peut ce me semble concevoir qu’il pût d’une autre manière empêcher qu’il ne se formât des traces dans son cerveau. Ainsi la volonté de Dieu, ou la loi générale de la nature, qui est la cause véritable de la communication des mouvements, dépendait en certaines occasions de la volonté d’Adam. Car Dieu avait cet égard pour lui, qu’il ne produisait point, s’il n’y consentait, de nouveaux mouvements dans son corps, ou pour le moins dans la partie qui en est la principale, et à laquelle l’âme est immédiatement unie.

Telle était l’institution de la nature avant le péché ; l’ordre immuable de la justice le voulait ainsi, et par conséquent celui dont la volonté est toujours conforme à cet ordre. Or, cette volonté demeurant toujours la même, le péché du premier homme a renversé l’ordre de la nature parce que, le premier homme ayant péché, l’ordre immuable ne demande pas qu’il domine absolument sur aucune chose (Dans l’objection de l’article VII de l’Eclaircissement VIII, j’explique ce que je dis ici généralement de la perte que l’homme a faite du pouvoir qu’il avait sur son corps). Il n’est pas juste que le pécheur puisse suspendre la communication des mouvements, que la volonté de Dieu s’accommode avec la sienne, et qu’il y ait en sa faveur des exceptions dans les lois de l’union de l’âme et du corps. De sorte que l’homme est sujet à la concupiscence, son esprit dépend de son corps, il sent en lui des plaisirs indélibérés, et des mouvements involontaires et rebelles en conséquence de la loi très juste, qui unit les deux parties qui le composent.

Ainsi le ’’formel’’ de la concupiscence, non plus que le ’’formel’’ du péché, n’est rien de réel : ce n’est rien autre chose en l’homme que la perte du pouvoir qu’il avait de suspendre la communication des mouvements en certaines occasions. Il ne faut point admettre en Dieu une volonté positive pour la produire. Cette perte que l’homme a faite n’est