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autem vocationi Dei, vel ab ea dissentire, sicut dixi, propriae voluntatis est.(De spiritu et littera, ch. XXXIV). 1

Voici une objection que l’on a coutume de faire contre ce que j’ai dit auparavant, que Dieu fait tout ce qu’il y a de réel en nous quand nous péchons, et, quoiqu’elle soit fort légère, elle ne laisse pas de faire peine à bien des gens. La haine de Dieu, disent-ils, est une action dans laquelle il n’y a rien de bon. Donc elle est toute du pécheur ; Dieu n’y a aucune part. Et par conséquent l’homme agit et se donne à soi-même de nouvelles modifications par une action qui ne vient point de Dieu. Cela est vrai en un sens. mais je réponds que les pécheurs ne haïssent Dieu, que parce qu’ils jugent librement et faussement qu’il est mauvais, car on ne peut haïr le bien considéré comme tel. Ainsi, c’est par le même mouvement d’amour que Dieu leur imprime pour le bien, qu’ils haïssent Dieu. Or ils jugent que Dieu n’est pas bon, parce qu’ils ne font pas l’usage qu’ils devraient faire de leur liberté. N’étant point convaincus par une évidence invincible que Dieu n’est pas bon, ils ne devraient pas le croire mauvais, ni par conséquent le haïr.

On doit distinguer trois choses dans la haine, le sentiment de l’âme, le mouvement de la volonté, et le consentement à ce mouvement. Le sentiment ne peut être mauvais, car c’est une modification de l’âme, qui n’a ni bonté ni malice morale. Pour le mouvement il n’est point mauvais non plus, puisqu’il n’est pas distingué de celui de l’amour. Car, le mal qui est hors de nous n’étant que la privation du bien, il est évident que fuir le mal, c’est fuir la privation du bien, c’est-à-dire tendre vers le bien. Aussi tout ce qu’il y a de réel et de positif dans la haine même de Dieu n’a rien de mauvais. Ce n’est que dans le consentement de l’âme déréglée par un faux jugement que se trouve la malice formelle du péché. Et le pécheur ne peut haïr Dieu qu’en faisant un usage abominable du mouvement que Dieu lui donne incessamment pour le porter à son amour ; et il ne peut faire ce mauvais