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à la volonté, car il la meut et la pousse pour ainsi dire vers l’objet.

3) Que tout plaisir ou motif physique, quoique efficace par lui-même par rapport à la volonté qu’il meut, il n’est point efficace par lui-même par rapport au consentement de la volonté, puisqu’il n’ôte pas à l’âme le désir d’être solidement heureuse, et le pouvoir de suspendre son contentement, et d’examiner si tel plaisir s’accorde avec le souverain bonheur qu’elle désire invinciblement.

4) Qu’ainsi la grâce de Jésus-Christ (Réponse à M. Arnauld, vol. II), la délectation prévenante, quoique efficace par elle-même, par rapport à la volonté qu’elle excite et qu’elle meut, elle n’est point efficace par elle-même par rapport au consentement de la volonté, qui peut n’y point consentir et qui ne lui résiste que trop souvent, soit parce que l’âme suspendant trop longtemps son consentement, la délectation spirituelle ne continue pas, soit parce que la concupiscence fournit sans cesse des motifs qui lui sont contraires.

5) Que c’est Dieu néanmoins qui opère en nous par sa grâce le vouloir et le faire, car c’est lui qui commence notre conversion. Il faut que sa grâce prévienne notre volonté, car il faut, pour ainsi dire, la sentir avant que d’y consentir. Ainsi Dieu ne coopère pas comme le voulaient les pélagiens, il opère, et c’est nous qui coopérons, car c’est celui qui commence, et sans lequel on ne peut rien qui, à parler exactement, est celui qui opère. La grâce de Dieu court, pour parler ainsi, avant la volonté, et concourt aussi avec elle, non en produisant l’acte du consentement, mais en laissant à la faculté active de l’âme, à la volonté qu’elle meut, de le produire, et la toute-puissance de Dieu paraît d’autant plus, qu’il se sert aussi heureusement des causes libres que des nécessaires, et sa bonté, en ce que, nous faisant agir avec une entière liberté, il nous fait mériter par le secours de sa grâce purement gratuite les récompenses promises, et qu’il veut donner avec justice à ceux qui coopèrent. His ergo modis, dit s. Augustin, quando deus agit cum anima rationali, ut ei credat, neque enim credere potest quodlibet libero arbitrio, si nulla sit suasio vel vocatio cui credat, profecto et ipsum velle credere Deus operatur in homine, et in omnibus misericordia ejus praevenit nos ; consentire