Page:Malebranche - Tome III - De la recherche de la vérité, 1964.djvu/33

Cette page n’a pas encore été corrigée

par une impression invincible. Nous cessons de chercher le vrai bien, et rendons inutile le mouvement que Dieu imprime en nous. Nous ne faisons que nous arrêter, que nous reposer. C’est par un acte, sans doute, mais par un acte immanent qui ne produit rien de physique dans notre substance, par un acte qui, dans ce cas, n’exige pas même de la vraie cause quelque effet physique en nous, ni idées ni sensations nouvelles, c’est-à-dire, en un mot, par un acte qui ne fait rien et ne fait rien faire à la cause générale en tant que générale, ou faisant abstraction de sa justice, car le repos de l’âme comme celui des corps n’a nulle force ou efficace physique. Or, lorsque nous aimons uniquement ou contre l’ordre un bien particulier, nous recevons de Dieu autant d’impression d’amour que si nous ne nous arrêtions pas à ce bien. De plus, cette détermination particulière et naturelle, qui n’est point nécessaire ni invincible par rapport à notre consentement, nous est aussi donnée de Dieu. Donc, lorsque nous péchons, nous ne produisons point en nous de nouvelle modification.

J’avoue cependant que, lorsque nous ne péchons point, et que nous résistons à la tentation, on peut dire que nous nous donnons une nouvelle modification, en ce sens que nous voulons actuellement et librement penser à d’autres choses qu’aux faux biens qui nous tentent, et que nous voulons ne nous point reposer dans leur jouissance. Mais nous ne le voulons que parce que nous ne voulons être heureux que par le mouvement vers le bien que Dieu imprime en nous sans cesse, en un mot que par notre volonté secourue par la grâce, c’est-à-dire éclairée par une lumière, et poussée par une délectation prévenante. Car enfin, si l’on prétend que vouloir différentes choses, c’est se donner différentes modifications, ou que nos divers consentements, que je regarde comme des repos ou des cessations libres de recherche et d’examen, soient des réalités physiques, je demeure d’accord qu’en ce sens l’esprit peut se modifier diversement par l’action ou le désir d’être heureux que Dieu met