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sentons point nos facultés, lorsqu’elles n’agissent point actuellement. Nous ne sentons point en nous ce qui est naturel, ordinaire, et toujours de même, comme nous ne sentons point la chaleur et les battements de notre cœur.

Nous ne sentons pas même nos habitudes, et si nous sommes dignes de l’amour ou de la colère de Dieu. Il y a peut-être en nous une infinité de facultés ou de capacités qui nous sont entièrement inconnues, car nous n’avons pas de sentiment intérieur de tout ce que nous sommes, mais seulement de tout ce qui se passe actuellement en nous. Si nous n’avions jamais senti de douleur, ni désiré de biens particuliers, nous ne pourrions point par le sentiment intérieur que nous avons de nous-mêmes, découvrir si nous serions capables de sentir de la douleur ou de vouloir de tels biens. C’est notre mémoire et non pas notre sentiment intérieur qui nous apprend que nous sommes capables de sentir ce que nous ne sentons plus, ou d’être agités par des passions desquelles nous ne sentons plus aucun mouvement. Ainsi il n’y a rien qui nous empêche de croire que Dieu nous pousse toujours vers lui d’une égale force, quoique d’une manière bien différente, et qu’il conserve toujours dans notre âme une égale capacité de vouloir, ou une même volonté, comme il conserve dans toute la matière prise en général une égale quantité de force ou de mouvement de même part. mais, quand cela ne serait pas certain, je ne vois pas qu’on puisse dire que l’augmentation ou la diminution du mouvement naturel de notre âme dépende de nous, puisque nous ne pouvons pas être cause de l’étendue de notre propre volonté, et qu’il ne dépend pas de nous de vouloir être heureux.

Il est encore certain, par les choses que j’ai dites aurapravant, que Dieu produit et conserve aussi en nous ce qu’il y a de réel et de positif dans les déterminations particulières du mouvement de notre âme, savoir nos idées et nos sentiments. Car c’est ce qui détermine naturellement vers les biens particuliers