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le souverain bien dans les biens particuliers (cf. Eclaircissement XV), et qu’ainsi il ne règle pas son amour selon la volonté de Dieu, ou selon l’ordre essentiel et nécessaire, dont tous les hommes ont une connaissance d’autant plus parfaite qu’il ssont plus étroitement unis à Dieu, et qu’ils sont moins sensibles aux impressions de leurs sens et de leurs passions. Car nos sens répandant notre âme dans notre corps, et nos passions la transportant, pour ainsi dire, dans ceux qui nous environnent, ils nous éloignent de la lumière de Dieu qui nous pénètre et nous remplit.

L’homme ne se donne point aussi de nouvelles modifications qui modifient ou qui changent physiquement sa substance. Car le mouvement d’amour, que Dieu imprime sans cesse en nous, n’augmente ou ne diminue pas, quoique nous aimions ou que nous n’aimions pas actuellement, je veux dire quoique ce mouvement naturel d’amour soit ou ne soit pas déterminé par quelque idée particulière de notre esprit. Ce mouvement ne cesse pas même par le repos dans la possession du bien, comme le mouvement des corps cesse par leur repos. Apparemment Dieu nous pousse toujours d’une égale force vers lui, car il nous pousse vers le bien en général autant que nous en sommes capables, et nous en sommes en tous temps également capables, parce que notre volonté ou notre capacité naturelle de vouloir est toujours égale à elle-même. Ainsi l’impression ou le mouvement naturel qui nous porte vers le bien n’augmente ou ne diminue jamais.

J’avoue que nous n’avons pas d’idée claire, ni même de sentiment intérieur de cette égalité d’impression ou de mouvement naturel vers le bien. Mais c’est que nous ne nous connaissons point par idée, comme je l’ai prouvé ailleurs (cf. Livre III, II, VII, n. 4 et Eclaircissement XI), et que nous ne