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S’il est donc vrai que nous pouvons vouloir considérer de près ce que nous voyons déjà comme de loin, puisque nous sommes unis avec la raison qui renferme les idées de tous les êtres, et s’il est certain qu’en vertu des lois de la nature, les idées s’approchent de nous dès que nous le voulons, on en doit conclure :

Premièrement, que nous avons un principe de nos déterminations. Car c’est la présence actuelle des idées particulières qui détermine positivement vers des biens particuliers le mouvement que nous avons vers le bien en général, et qui change, lorsque nous nous reposons, notre amour naturel en des amours libres. Notre consentement ou notre repos à la vue d’un bien particulier n’est rien de réel ou de positif de notre part, comme je l’expliquerai plus bas.

Secondement, que ce principe de nos déterminations est toujours libre à l’égard des biens particuliers. Car nous ne sommes point invinciblement portés à les aimer, puisque nous pouvons les examiner en eux-mêmes, et les comparer avec l’idée que nous avons du souverain bien, ou avec d’autres biens particuliers. Ainsi le principe de notre liberté, c’est qu’étant faits pour Dieu et unis à lui nous pouvons toujours penser au vrai bien, ou à d’autres biens qu’à ceux auxquels nous pensons actuellement ; c’est que nous pouvons toujours suspendre notre consentement, et sérieusement examiner si le bien dont nous jouissons est ou n’est pas le vrai bien.

Je suppose néanmoins que nos sentiments n’occupent point toute la capacité de notre esprit. Car, afin que nous soyons libres de la liberté dont je parle, il est nécessaire, non seulement que Dieu ne nous pousse point invinciblement vers les biens particuliers, mais encore que nous puissions faire usage de l’impression que nous avons vers le bien en général, pour aimer autre chose que ce que nous aimons actuellement. Or, comme nous ne saurions aimer que les objets auxquels nous pouvons penser, et