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du mouvement pour aller plus loin, en un mot, que l’impression que nous avons pour le bien universel, ou, pour parler comme les autres, que notre volonté n’est ni contrainte, ni nécessitée de s’arrêter à ce bien particulier.

Voici donc ce que fait le pécheur. Il s’arrête, il se repose, il ne suit point l’impression de Dieu, il ne fait rien, car le péché n’est rien. Il sait que la grande règle qu’il doit observer, c’est de faire usage de sa liberté autant qu’il le peut, et qu’il ne doit se reposer dans aucun bien, s’il n’est intérieurement convaincu qu’il serait contre l’ordre de ne vouloir point s’y arrêter. S’il ne découvre pas cette règle par la lumière de sa raison, il l’apprend du moins par les reproches secrets de sa conscience. Il devrait donc suivre l’impression qu’il reçoit pour le bien universel, et penser à d’autres biens qu’à celui dont il jouit, et duquel il devrait seulement faire usage. Car c’est en penant à d’autres biens qy’à celui dont il jouit, qu’il peut s’exciter en lui de nouvelles déterminations de son amour, et faire usage de sa liberté en consentant à ces nouvelles déterminations. or, je prouve que, par l’impression que Dieu lui donne pour le bien en général, il peut penser à d’autres biens qu’à celui dont il jouit, parce que c’est en cela précisément que consiste la difficulté.

C’est une loi de la nature que les idées des objets se présentent à notre esprit dès que nous voulons y penser, pourvu que la capacité que nous avons de penser ne soit point remplie par les sentiments vifs et confus que nous recevons à l’occasion de ce qui se passe dans notre corps. Or nous pouvons vouloir penser à toutes choses, parce que l’impression naturelle qui nous porte vers le bien s’étend à tous les biens auxquels nous pouvons penser, et nous pouvons en tous temps penser à toutes choses, parce que nous sommes unis à celui qui renferme les idées de toutes choses, ainsi que j’ai prouvé ailleurs (cf. Livre III, II, VI et Eclaircissement X).