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donner à soi-même quelque nouvelle modification, ou bien de reconnaître que Dieu est véritablement auteur du péché.

Je réponds que la foi, la raison, et le sentiment intérieur que j’ai de moi-même, m’obligent de quitter ma comparaison où je la quitte, car je suis convaincu en toutes manières que j’ai en moi-même un principe de mes déterminations, et j’ai des raisons pour croire que la matière n’a point de semblable principe. Cela se prouvera dans la suite. Mais voici ce que Dieu fait en nous, et ce que nous faisons nous-mêmes quand nous péchons.

Premièrement, Dieu nous pousse sans cesse et par une impression invincible vers le bien en général. Secondement, il nous représente l’idée d’un bien particulier, ou nous en donne le sentiment. Enfin il nous porte vers ce bien particulier.

Dieu nous pousse vers le bien en général. Car Dieu nous a fait, et nous conserve pour lui ; il veut que l’on aime tout ce qui est bon ; il est le premier, ou plutôt l’unique moteur. Enfin cela est clair par une infinité de choses que j’ai dites ailleurs, et ceux à qui je parle en conviennent.

Dieu nous présente l’idée d’un bien particulier, ou nous en donne le sentiment. car il n’y a que lui qui nous éclaire. Les corps qui nous environnent ne peuvent point agir sur notre esprit, et nous ne sommes pas notre lumière, ni notre félicité à nous-mêmes ; je l’ai prouvé fort au long dans le troisième livre et ailleurs.

Enfin, Dieu nous porte vers ce bien particulier. car, Dieu nous portant vers tout ce qui est bien, c’est une conséquence nécessaire qu’il nous porte vers les biens particuliers, lorsqu’il en produit la perception, ou le sentiment dans notre âme. Voilà tout ce que Dieu fait en nous, lorsque nous péchons.

Mais comme un bien particulier ne renferme pas tous les biens, et que l’esprit, le considérant d’une vue claire et distincte, ne peut croire qu’il les renferme tous, Dieu ne nous porte point nécessairement ni invinciblement à l’amour de ce bien. Nous sentons qu’il nous est libre de nous y arrêter, que nous avons