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de vos principes : mais ce ne serait vous répondre qu’indirectement. Prenez donc garde je vous prie. Cette portion de matière organisée et subtilisée que vous appelez esprit, est réellement finie. On ne peut donc, en la voyant immédiatement, voir l’infini. Certainement où il n’y a que deux réalités, on ne peut en apercevoir quatre. Car il y aurait deux réalités que l’on apercevrait, et qui néanmoins ne seraient point. Or ce qui n’est point, ne peut être aperçu. Apercevoir rien, et ne rien apercevoir, c’est la même chose. Il est donc évident que dans une portion de matière finie ou dans un esprit fini, on ne peut y trouver assez de réalité pour y voir l’infini. Faites attention à ceci. L’idée que vous avez seulement de l’espace n’est-elle pas infinie ? Celle que vous avez de cieux est bien vaste : mais ne sentez-vous pas en vous-même, que l’idée de l’espace la surpasse infiniment ? Ne vous répond-elle pas, cette idée, que quelque mouvement que vous donniez à votre esprit pour la parcourir, vous ne l’épuiserez jamais, parce que en effet elle n’a point de bornes.