Page:Malebranche - Entretien d’un philosophe chrétien et d’un philosophe chinois, II, 1708.djvu/8

Cette page n’a pas encore été corrigée

car il n’y a point de différence entre des riens. Donc encore un coup, tout ce que l’esprit aperçoit immédiatement, est réellement. Or je pense à l’infini, j’aperçois immédiatement et directement l’infini. Donc il est. Car s’il n’était point, en l’apercevant, je n’apercevrais rien, donc je n’apercevrais point. Ainsi en même temps j’apercevrai et je n’apercevrais point, ce qui est une contradiction manifeste.

LE CHINOIS : J’avoue que si l’objet immédiat de votre esprit était l’infini, quand vous y pensez il faudrait nécessairement qu’il existât : mais alors l’objet immédiat de votre esprit n’est que votre esprit même. Je veux dire, que vous n’apercevez l’infini, que parce que cette portion de matière organisée et subtilisée, que vous appelez esprit, vous le représente : ainsi il ne s’ensuit point que l’infini existe absolument et hors de nous, de ce que nous y pensons.

LE CHRETIEN : On pourrait apparemment vous faire la même réponse à l’égard du Ly ou de la souveraine vérité que vous recevez pour le premier