Page:Malebranche - Entretien d’un philosophe chrétien et d’un philosophe chinois, II, 1708.djvu/58

Cette page n’a pas encore été corrigée

Si nous aimons Dieu sur toutes choses, et notre prochain comme nous-mêmes, en cela nous serons justes, sans être, si cela se peut dire, informés d’une forme abstraite de justice qui ne subsiste nulle part.

Vous croyez que c’est le Ly qui arrange la matière dans ce bel ordre que nous remarquons dans l’univers : que c’est lui qui donne aux animaux et aux plantes tout ce qui est nécessaire pour leur conservation et la propagation de leur espèce. Il est donc clair qu’il agit par rapport à certaines fins. Cependant vous soutenez qu’il n’est pas sage et intelligent, et qu’il fait tout cela par une impétuosité aveugle de sa nature bienfaisante. Quelle preuve avez-vous d’un si étrange paradoxe ?

LE CHINOIS : La voici. C’est que si le Ly était intelligent comme vous le pensez, étant bienfaisant par sa nature, il n’y aurait point de monstres ni aucun désordre dans l’univers. Pourquoi le Ly ferait-il naître aveugle un enfant avec deux yeux ? Pourquoi ferait-il croître les blés pour