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en ce qu’ils sont l’un et l’autre des modifications d’une même substance : mais les divers ébranlements du cerveau et des esprits animaux, qui sont des modifications de la matière, ne conviennent en rien avec les pensées de l’esprit, qui sont certainement des modifications d’une autre substance.

J’appelle une substance ce que nous pouvons apercevoir seul, sans penser à autre chose, et modification de substance ou manière d’être ce que nous ne pouvons pas apercevoir seul. Ainsi je dis que la matière ou l’étendue créée est une substance, parce que je puis penser à de l’étendue, sans penser à autre chose ; et je dis que les figures, que la rondeur par exemple, n’est qu’une modification de substance ; parce que nous ne pouvons pas penser à la rondeur sans penser à l’étendue, car la rondeur n’est que l’étendue même de telle façon. Or comme nous pouvons avoir de la joie, de la tristesse, du plaisir, de la douleur, sans penser à l’étendue ; comme nous pouvons apercevoir, juger, raisonner, craindre, espérer, haïr, aimer, sans penser à l’étendue,