Page:Malebranche - Entretien d’un philosophe chrétien et d’un philosophe chinois, II, 1708.djvu/16

Cette page n’a pas encore été corrigée

par conséquent infiniment légère, parce qu’elle est infinie. Afin que vous compreniez mieux tout ceci, la réalité et l’efficacité des idées, il est bon que vous fassiez beaucoup de réflexion sur deux vérités. La première, qu’on ne voit point les objets en eux-mêmes, et qu’on ne sent point même son propre corps en lui-même, mais par son idée. La seconde, qu’une même idée peut nous toucher de perceptions toutes différentes.

La preuve qu’on ne voit point les objets en eux-mêmes, est évidente : car on en voit souvent qui n’existent point au-dehors, comme lorsqu’on dort, ou que le cerveau est trop échauffé par quelque maladie. Ce qu’on voit alors n’est certainement pas l’objet, puisque l’objet n’est point, et que le néant n’est pas visible : car voir rien et ne point voir, c’est la même chose. C’est donc par l’a&ion des idées sur notre esprit que nous voyons les objets. C’est aussi par l’action des idées que nous sentons notre propre corps. Car il y a mille expériences que des gens à qui on a coupé le bras, sentent