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m’explique. Lorsqu’une épine vous pique, l’idée de l’épine produit dans votre âme une perception sensible, qu’on appelle douleur. Lorsque vous regardez l’étendue de votre chambre, son idée produit dans votre âme une perception moins vive, qu’on appelle couleur. Mais lorsque vous regardez dans les airs, la perception que ces espaces, ou plutôt que l’idée de ces espaces produit en vous, n’a plus, ou presque plus de vivacité. Enfin quand vous fermez les yeux, l’idée des espaces immenses que vous concevez alors, ne vous touche plus que d’une perception purement intelletuelle. Mais, je vous prie, faut-il juger de la réalité des idées par la vivacité des perceptions qu’elles produisent en vous ? Si cela est, il faudra croire qu’il y a plus de réalité dans la pointe d’une épine qui nous pique, dans un charbon qui nous brûle, ou dans leurs idées, que dans l’univers entier, ou dans son idée. Il faut assurément juger de la réalité des idées, par ce qu’on voit qu’elles renferment. Les enfants croient que l’air n’est rien, parce