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est fondé sur ce principe si évident et si simple, que le néant ne peut être directement aperçu, et qu’apercevoir rien et ne point apercevoir, c’en la même chose.

LE CHINOIS : Je vous avoue de bonne foi que je n’ai rien à répliquer à votre démon ration de l’existence de l’Être infini. Cependant je n’en suis point convaincu. Il me semble toujours que quand je pense à l’infini, je ne pense à rien.

LE CHRETIEN : Mais comment à rien ? Quand vous pensez à un pied d’étendue ou de matière, vous pensez à quelque chose. Quand vous en apercevez cent ou mille, assurément ce que vous apercevez a cent ou mille fois plus de réalité. Augmentez encore jusqu’à l’infini, et vous concevrez sans peine que qui pense à l’infini, est infiniment éloigné de penser à rien, puisque ce à quoi vous penseriez est plus grand que tout ce à quoi vous aviez pensé. Mais voici ce que c’en. La perception, dont l’infini vous touche, est si légère que vous comptez pour rien ce qui vous touche si légèrement. Je