équivoque, et qu’elle ne puisse désigner que ce que l’on cherche ; autrement on ne pourrait s’assurer d’avoir résolu la question proposée. De même il faut avoir soin de retrancher de la question toutes les conditions qui Pembarrassent, et sans lesquelles elle subsiste dans son entier ; car elles partagent inutilement la capacité de l’esprit ; et même on ne connait point encore distinctement l’état d’une question, lorsque les conditions qui l’accompagnent sont inutiles.
Si l’on proposait, par exemple, une question en ces termes : faire en sorte qu’un homme étant arrosé de quelques liqueurs et couvert d’une couronne de fleurs, ne puisse demeurer en repos, quoiqu’il ne voie rien qui soit capable de l’agiter. Il faut savoir si le mot d’homme n’est point métaphorique ; si le mot de repos n’est point équivoque, s’il n’est point pris par rapport au mouvement local, ou par rapport aux passions, comme ces paroles : quoiqu’il ne voie rien qui soit capable de l’agiter, semblent le marquer. Il faut savoir si les conditions, étant arrosé de quelque liqueur, et couvert d’une couronne de fleurs, sont essentielles. Ensuite l’état de cette question ridicule et indéterminée étant clairement connu, l’on pourra facilement la résoudre, en disant qu’il n’y a qu’à mettre un homme dans un vaisseau selon les conditions exprimées dans la question.
L’adresse de ceux qui proposent de semblables questions est d’y joindre les conditions qui semblent être nécessaires quoiqu’elles ne le soient pas, afin de tourner l’esprit de ceux à qui ils les proposent, vers des choses inutiles pour la résoudre. Comme dans cette question que les servantes font d’ordinaire aux enfants : J’ai vu, leur disent-elles, des chasseurs, ou plutôt des pêcheurs qui emportaient avec eux ce qu’ils ne prenaient pas, et qui jetaient dans l’eau ce qu’ils prenaient. L’esprit, étant préoccupé de l’idée de pêcheurs qui pêchent du poisson, il ne peut concevoir ce que l’on veut dire ; et toute la difficulté qu’il y a pour résoudre cette question badine, vient de ce-qu’un ne la conçoit pas clairement, et qu’un ne pense pas que des chasseurs et des pêcheurs, aussi bien que d’autres hommes, cherchent quelquefois dans leurs habits certains petits animaux qu’ils rejettent s’ils les attrapent, et qu’ils emportent avec eux s’ils ne peuvent les attraper.
Quelquefois aussi l’on ne met pas dans les questions toutes les conditions nécessaires pour les résoudre, et cela les rend pour le moins aussi difficiles que lorsque l’on en joint d’inutiles comme dans celle-ci : Rendre un homme immobile sans le lier ni le blesser, ou plutôt ayant mis le petit doigt d’un homme dans l’oreille de ce même homme, le rendre par cette posture comme immobile, en