vrons par une connaissance claire et évidente que l’union ou le rapport de l’objet que nous admirons nous est désavantageux, ou à quelque chose qui nous soit uni, alors le mouvement d’amour que nous avons pour nous et pour la chose qui nous est unie, se borne dans nous ou se porte vers elle ; il ne suit point la vue de l’esprit, il ne se répand point vers l’objet de notre admiration. Mais comme le mouvement vers le bien en général que l’auteur de lalnature imprime sans cesse dans l’âme ne la porte que vers ce que l’on connait et que l’on sent comme bon ou comme convenable à notre nature, on peut dire que le refus que fait l’âme de s’approcher et de s’unir avec un objet qui ne lui convient nullement, est une espèce de mouvement volontaire dont le terme est le néant ; or ce mouvement volontaire de l’âme étant joint à celui des esprits et du sang, et suivi du sentiment qui accompagne la nouvelle disposition que ce mouvement d’esprit produit dans le cerveau, est la passion que l’on appelle ici aversion.
Cette passion est entièrement contraire à l’amour, mais elle n’est jamais sans amour ; elle est entièrement contraire à l’amour, car elle sépare, et l’amour unit ; elle a le néant pour son terme, et l’amour a toujours l’être pour objet ; elle résiste au mouvement naturel et le rend inutile, et l’amour s’y abandonne et le rend victorieux. Mais elle n’est jamais séparée de l’amour ; car si le mal qui est son objet est pris pour la privation du bien, fuir le mal c’est fuir la privation du bien, c’est-à-dire tendre vers le bien ; et ainsi l’aversion de la privation du bien est l’amour du bien. Mais si le mal est pris pour la douleur, l’aversion de la douleur n’est pas l’aversion de la privation du plaisir, puisque la douleur étant un sentiment aussi réel que le plaisir, elle-n’en est pas la privation ; mais l’aversion de la douleur étant l’aversion de quelque misère intérieure, on n’aurait point cette aversion si l’on ne s’aimait : enfin le mal se peut prendre pour ce qui cause en nous la douleur. ou pour ce qui nous prive du bien ; et alors l’aversion dépend de l’amour de nous-mêmes, ou de l’amour de quelque chose in laquelie nous souhaitons d’être unis. L’amour et l’aversion sont donc les deux passions-mères opposées entre elles ; mais l’amour est la première, la principale et la plus universelle.
On distingue souvent, dans la morale, les vertus ou les espèces de charités par la différence des objets ; mais cela confond quelquefois la véritable idée qu’on doit avoir de la vertu, laquelle dépend plutôt de la fin qu’on se propose que de toute autre chose. Ainsi nous ne croyons pas en devoir faire de même des passions : nous ne les distinguerons point ici par les objets, parce qu’un seul objet