mouvements de la volonté dans leur détermination. Le sentiment de haine est en cet homme une suite naturelle du mouvement de sa volonté qui s’est excité à la vue du mal, et ce mouvement est ensuite entretenu par le sentiment dont il est cause.
Ce que nous venons de dire de cet homme lui pourrait arriver quand même il n’auraít point de corps ; mais, parce qu’il est composé de deux parties naturellement unies, les mouvements de son esprit se communiquent à son corps, et ceux de son corps à son esprit. Ainsi la nouvelle détermination du mouvement de sa volonté produit naturellement une nouvelle détermination dans le mouvement des esprits animaux, laquelle est toujours différente dans toutes les passions, quoique le mouvement de l’àme soit presque toujours le même.
Les esprits sont donc poussés avec force dans les bras, les jambes et le visage, pour donner au corps la disposition nécessaire à la passion et pour répandre sur le visage l’air que doit avoir un homme que l’on offense, par rapport à toutes les circonstances de l’injure qu’il reçoit, et à la qualité ou à la force de celui qui la fait et de celui qui la souffre ; et cet épanchement des esprits est d’autant plus fort, plus abondant et plus prompt, que le bien est plus grand, que l’opposition est plus forte, et que le cerveau en est plus vivement frappé.
Si donc la personne de laquelle nous parlons ne reçoit que par imagination quelque injure, ou s’il en reçoit une réelle, mais légère et qui ne fasse point d’ébranlement considérable dans son cerveau, l’épanchement des esprits animaux sera faible et languissant, et il ne sera peut-être pas assez grand pour changer la disposition du corps ordinaire et naturelle. Mais si l’injure est atroce et que son imagination soit échauffée, il se fera un grand ébranlement dans son cerveau, et les esprits se répandront avec tant de force qu’ils formeront en un moment sur son visage et sur son corps l’air et la contenance de la passion qui le domine. S’il est assez fort pour vaincre, son air sera menaçant et fier ; s’il est faible et qu’il ne puisse résister au mal qui va l’accabler, son air sera humble et soumis : ses gémissements et ses pleurs excitant naturellement dans les assistants, et même dans son ennemi, des mouvements de compassion, ils en tireront le secours qu’il ne pouvait espérer de ses propres forces. Il est vrai que si les assistants et l’ennemi de ce misérable ont déjà les esprits et les fibres de leur cerveau ébranlés d’un mouvement violent et contraire à celui qui fait naître la compassion dans l’àme, les gémissements de cet homme ne feront que l’augmenter, et son malheur serait inévitable s’il de-