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le cœur, les poumons, le foie, la rate et les autres viscères, afin de tirer contribution de toutes ces parties et de les hâter de fournir en peu de temps les esprits nécessaires pour conserver le corps dans l’action extraordinaire où il doit être, ou pour l’acquisition du bien ou pour la fuite du mal.

La cinquième est l’émotion sensible de l’âme, qui se sent agitée par ce débordement inopiné d’esprits. Cette émotion sensible de l’âme accompagne toujours ce mouvement d’esprits, afin qu’elle prenne part à tout ce qui touche le corps ; de même que le mouvement des esprits s’excite dans le corps dès que l’âme est portée vers quelque objet, L’âme étant unie au corps et le corps à l’âme, leurs mouvements sont réciproques.

La sixième sont les sentiments différents d’amour, d’aversion, de joie, de désir, de tristesse, causés non par la vue intellectuelle du bien ou du mal, comme ceux dont on vient de parler, mais par les différents ébranlements que les esprits animaux causent dans le cerveau.

La septième est un certain sentiment de joie, ou plutôt de douceur intérieure, qui arrête l’âme dans sa passion et qui lui témoigne qu’elle est dans l’état où il est à propos qu’elle soit par rapport à l’objet qu’elle considère. Cette douceur intérieure accompagne généralement toutes les passions, celles qui naissent de la vue d’un mal aussi bien que celles qui naissent de la vue d’un bien, la tristesse comme la joie. C’est cette douceur qui nous rend toutes nos passions agréables, et qui nous porte à y consentir et à nous y abandonner. Enfin c’est cette douceur qu’il faut vaincre par la douceur de la grâce et par la joie de la foi et de la raison ; car, comme la joie de l’esprit résulte toujours de la connaissance certaine ou évidente que l’on est dans le meilleur état où l’ou puisse être par rapport aux choses qu’on aperçoit, ainsi la douceur des passions est une suite naturelle du sentiment confus que l’on a qu’on est dans le meilleur état où l’on puisse être par rapport aux choses que l’on sent. Or il faut vaincre, par la joie de l’esprit et par la douceur de la grâce, la fausse douceur de nos passions qui nous rend esclaves des biens sensibles.

Toutes ces choses que nous venons de dire se rencontrent dans toutes les passions, si ce n’est lorsqu’elles s’excitent par des sentiments confus et que l’esprit n’aperçoit point ni de bien ni de mal qui les puisse causer, car alors il est évident que les trois premières choses ne s’y rencontrent point.

On voit aussi que toutes ces choses ne sont point libres, qu’elles sont en nous sans nous, et même malgré nous, depuis le péché, et