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existe nécessairement de ce qu’on conçoit l’existence nécessaire dans l’idée qu’on a de lui.

Il y en a d’autres enfin qui prétendent que cette preuve de l’existence de Dieu, qui est de M. Descartes, est un pur sophisme ; et que l’argument ne conclut que supposé qu’il soit vrai que Dieu existe, comme si on ne le prouvait pas. Voici la preuve. On doit attribuer à une chose ce que l’on conçoit clairement être renfermé dans l’idée qui la représente. C’est la le principe général de toutes les sciences. L’existence nécessaire est renfermée dans l’idée qui représente un être infiniment parfait. Ils l’accordent. Et par conséquent on doit dire que l’être infiniment parfait existe. Oui, disent-ils, supposé qu’il existe.

Mais faisons une réponse pareille à un argument pareil, afin qu’on juge de la solidité de leur réponse. Voici l’argument pareil. On doit attribuer à une chose ce que l’on conçoit clairement être renfermé dans l’idée qui la représente : c’est le principe. On conçoit clairement quatre angles renfermés dans l’idée qui représente un carré, ou bien on conçoit clairement que l’existence possible est renfermée dans l’idée d’une tour de marbre ; donc un carré à quatre angles ; donc une tour de marbre est possible. Je dis que ces conclusions sont vraies, supposé que le carré ait quatre angles, et que la tour de marbre soit possible ; de même qu’ils répondent que Dieu existe, supposé qu’il existe : c’est-à-dire, en un mot, que les conclusions de ces démonstrations sont vraies, supposé qu’elles soient vraies.

J’avoue que si je faisais un tel argument : On doit attribuera une chose ce que l’on conçoit clairement être renfermé dans l’idée qui la représente, on conçoit clairement l’existence nécessaire renfermée dans l’idée d’un corps infiniment parfait ; donc un corps infiniment parfait existe ; il est vrai, dis-je, que si je faisais un tel argument, on aurait raison de me répondre qu’il ne conclurait pas l’existence actuelle d’un corps infiniment parfait ; mais seulement que, supposé qu’il y eût un tel corps, il aurait par lui-même son existence. La raison en est que l’idée de corps infiniment parfait est une fiction de l’esprit ou une idée composée, et qui par conséquent peut être fausse ou contradictoire, comme elle est en effet : car on ne peut concevoir clairement de corps infiniment parfait ; un être particulier et fini, tel que le corps, ne pouvant pas être conçu universel et infini.

Mais l’idée de Dieu ou de l’être en général, de l’être sans restriction, de l’être infini, n’est point une fiction de l’esprit. Ce n’est point une idée composée qui renferme quelque contradiction ; il n’y a