nouveau sujet et un nouveau princípe de ce sujet de l’étendue, et ainsi à l’infini, parce que l’esprit se représente des idées générales de sujet et de principe comme il lui plaît.
Il est vrai qu’il y a grande apparence que les hommes n’auraient pas obscurci si fort l’idée qu’ils ont de la matière, s’ils n’avaient eu quelques raisons pour cela, et que plusieurs soutiennent des sentiments contraires à ceux-ci par des principes de théologie. Sans doute l’étendue n’est point l’essence de la matière ; si cela est contraire à la foi, on y souscrit. L’on est, grâce à Dieu, très-persuadé de la faiblesse et de la l’imitation de l’esprit humain. On sait qu’il a trop peu d’étendue pour mesurer une puissance infinie, que Dieu peut infiniment plus que nous ne pouvons concevoir, qu’il ne nous donne des idées que pour connaître les choses qui arrivent par l’ordre de la nature, et qu’il nous cache le reste. On est donc toujours prêt à soumettre l’esprit à la foi ; mais il faut d’autres preuves que celles qu’on apporte ordinairement pour ruiner les raisons que l’on vient de dire, parce que les manières dont on explique les mystères de la foi ne sont pas de foi, et qu’on les croit même sans comprendre qu’on en puisse jamais expliquer nettement la manière.
On croit, par exemple, le mystère de la Trinité, quoique l’esprit humain ne le puisse concevoir ; et on ne laisse pas de croire que deux choses qui ne diffèrent point d’une troisième ne diffèrent point entre elles, quoique cette proposition semble le détruire. Car on est persuadé qu’il ne faut faire usage de son esprit que sur des sujets proportionnés à sa capacité, et qu’on ne doit pas regarder fixement nos mystères, de peur d’en être ébloui, selon cet avertissement du Saint-Esprit : Qui scrutator est majestatis opprímetur a gloria.
Si toutefois on croyait qu’il fût à propos pour la satisfaction de quelques esprits d’expliquer comment le sentiment qu’on a de la matière s’accorde avec ce que la loi nous enseigne de la Transsubstantiation, on le ferait peut-être d’une manière assez nette et assez distincte, et qui certainement ne choquerait en rien les décisions de l’Église ; mais on croit se pouvoir dispenser de donner cette explication, principalement dans cet ouvrage.
Car il faut remarquer que les saints pères ont presque toujours parlé de ce mystère comme d’un mystère incompréhensible, qu’ils n’ont point philosophé pour l’expliquer, et qu’ils se sont contentés pour l’ordinaire de comparaisons peu exactes, plus propres pour faire connaître le dogme que pour en donner une explication qui contentât l’esprit ; qu’ainsi la tradition est pour ceux qui ne philo-