dans l’esprit et se découvrir à lui. Il n’y a que Dieu que nous voyions d’une vue immédiate et directe ; il n’y a que lui qui puisse éclairer l’esprit par sa propre substance. Enfin, dans cette vie, ce n’est que par l’union que nous avons avec lui que nous sommes capables de connaître ce que nous connaissons, ainsi que nous l’avons expliqué dans le chapitre précédent ; car c’est notre seul maître qui préside à notre esprit, selon saint Augustin, sans l’entremise d’aucune créature[1].
On ne peut concevoir que quelque chose de créé puisse représenter l’infini, que l’être sans restriction, l’être immense, l’être universel puisse être aperçu par une idée, c'est-à-dire par un être particulier, par un être différent de l’être universel et infini ; mais, pour les êtres particuliers, il n’est pas difficile de concevoir qu’ils puissent être représentés par l’être infini qui les renferme dans sa substance très-efficace et par conséquent très-intelligible. Ainsi il est nécessaire de dire que l’on connaît Dieu par lui-même, quoique la connaissance que l’on en a en cette vie soit très-imparfaite ; et que l’on connaît les choses corporelles par leurs idées, c’est-à-dire en Dieu, puisqu’il n’y a que Dieu qui renferme le monde intelligible, où se trouvent les idées de toutes choses.
Mais encore que l’on puisse voir toutes choses en Dieu, il ne s’ensuit pas qu’on les y voie toutes : on ne voit en Dieu que les choses dont on a des idées, et il y a des choses que l’on voit sans idées.
III. Toutes les choses qui sont en ce monde, dont nous ayons quelque connaissance, sont des corps ou des esprits : propriétés de corps, propriétés d’esprits. On ne peut douter que l’on ne voie les corps avec leurs propriétés par leurs idées, parce que n’étant pas intelligibles par eux-mêmes, nous ne les pouvons voir que dans l’être qui les renferme d’une manière intelligible. Ainsi c’est en Dieu et par leurs idées que nous voyons les corps avec leurs propriétés, et c’est pour cela que la connaissance que nous en avons est très-parfaite : je veux dire que l’idée que nous avons de l’étendue suffit pour nous faire connaître toutes les propriétés dont l’étendue est capable, et que nous ne pouvons désirer d’avoir une idée plus distincte et plus féconde de l’étendue, des figures et des mouvements que celle que Dieu nous en donne.
Comme les idées des choses qui sont en Dieu renferment toutes leurs propriétés, qui en voit les idées en peut voir successivement toutes les propriétés ; car, lorsqu’on voit les choses comme elles
- ↑ l. Humnnis mentibus nnlla interposita natura prœsidet, Aug. 'lib. De vers. relig. c. 55.