Restaient les barbares. Leur rôle historique se dessinait de plus en plus. Ces masses compactes, sans cesse refoulées, sans cesse revenaient à la charge. Trajan, Claude II, Probus, Aurélien avaient eu beau en exterminer des millions, les peuples succédaient aux peuples et les armées aux armées.
Les apologistes chrétiens ont vu dans ce flot montant des invasions septentrionales, l’œuvre de leur dieu vengeur, faisant d’Alaric et d’Attila, ses justiciers. Cette explication, bonne encore au temps de Bossuet, est quelque peu démodée pour ceux qui ont répudié toute croyance au merveilleux. En réalité, l’empire romain était une proie trop riche pour ne pas tenter des nomades vivant mal à l’aise dans leurs solitudes glacées. Les empereurs, qui s’étaient efforcés de les diviser pour les détruire, avaient été amenés insensiblement à les subventionner. Commode leur avait payé tribut, Claude II en avait introduit dans l’armée, plusieurs étaient parvenus aux premières dignités ; déjà, même, le goth Maximin avait revêtu la pourpre. Dès lors, toutes les convoitises, toutes les ambitions, tous les appétits à satisfaire convergèrent vers Rome. Un exode s’établit, qui dura trois siècles, semblable à cette émigration qui, de nos jours, entraîne les crédules prolétaires d’Europe vers les rivages merveilleux de l’Australie ou du Nouveau-Monde.
C’était bien, d’ailleurs, l’afflux d’un prolétariat : ceux de ces barbares qui n’arrivaient pas en ennemis, se présentaient comme alliés, soldats mercenaires, valets d’armée, portefaix, esclaves volontaires ; ils se chargeaient des travaux pénibles ou rebutants.