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pas éloigné de sa voie initiale ! Tertullien avait beau déclarer : « Tout est commun entre nous, hormis nos femmes, » déjà cette communauté des biens n’existait plus. Quant à cette négation de toute autorité humaine qui avait fait la gloire des premiers novateurs, on n’en découvrait plus trace. Malgré les efforts de quelques esprits effrayés de voir où l’on allait, on s’abîmait de plus en plus dans la théologie, les querelles se multipliaient : nazaréens[1], gnostiques[2], théodosiens[3], montanistes[4], novatiens[5] emplissaient les églises du bruit de leurs disputes.

La philosophie pure, privée du secours de la science expérimentale et réduite à bâtir sur des hypothèses, ne pouvait donner mieux. Elle était condamnée à s’égarer dans un dédale sans issue et à y errer captive jusqu’au jour où une main audacieuse oserait jeter bas les murs du labyrinthe. Enseignement légué aux réformateurs de l’avenir qui, livrés aux spéculations abstraites, perdent de vue le monde

  1. Nom donné d’abord aux disciples de Jean le baptiseur, puis à ceux de Jésus, puis enfin aux chrétiens judaïsants.
  2. Chrétiens à tendances scientifiques (pour l’époque !), qui rejetaient absolument les livres et les rites hébraïques et qui, s’efforçant d’expliquer les plus graves problèmes, arrivèrent à se forger une religion toute allégorique, produit des rêveries platoniciennes et des fables de l’Orient.
  3. Sectateurs du christianisme primitif, repoussant la divinité de Jésus, qu’ils considéraient simplement comme un homme plus parfait que les autres.
  4. Secte propagée par l’extatique Montan, qui se prétendait prophète envoyé de Jésus. Elle avait des pratiques très rigoureuses, des jeûnes extraordinaires, condamnait les secondes noces. Tertullien en faisait partie.
  5. Partisans du pape Novatien (déclaré anti-pape et schismatique en 251), dont la doctrine, d’une implacable austérité, ressemblait beaucoup à la précédente.