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Maintenant les mœurs de la décadence latine revivent chez les vieilles nations européennes. « Occident pourri ! » murmurent parfois des Slaves en contemplant, songeurs, les boucheries tauromachiques, les luttes de la roulette, les courses de Longchamps et d’Epsom où trône le bookmaker[1], où le petit employé, sachant bien que le travail ne lui donnera jamais la fortune, risque ses économies, où des foules délirantes acclament ces glorieux vainqueurs, Bayard, Vasistas, Cœur-de-Lion.

Le cheval est devenu dieu ; cependant, chose étrange, dans ces multitudes idolâtrant un général pour la couleur de son coursier,[2] et faisant à un jockey[3] des funérailles nationales, on rencontre des moralistes érudits blâmant fort l’empereur Caligula d’avoir nommé son cheval consul.

On est devenu sentimental : la torture est abolie ; seuls, quelques savants réclament, dans l’intérêt de l’humanité, qu’on leur livre les criminels pour servir vivants à leurs doctes expériences. Les ennemis du pouvoir ne sont plus livrés aux lions : on se contente de les fusiller quand ce sont des prolétaires et de les envoyer en prison lorsque ce sont des bourgeois.

Les combats de gladiateurs ont disparu, mais l’âpre lutte pour la vie se déroule de toutes parts : le sang ne met plus que rarement sur les deuils sa

  1. La loi interdisant l’industrie des bookmakers sur les champs de courses français n’était pas encore promulguée lorsqu’ont été écrites ces lignes. Du reste, cette loi, qui semble devoir être prochainement rapportée, montre l’intensité du mal ! et c’est tout : on ne décrète pas la vertu.
  2. Il y a un siècle, le cheval blanc de Lafayette avait conquis la même célébrité que, naguère, le cheval noir de Boulanger.
  3. Fred Archer, mort à Londres il y a peu d’années.