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par le citoyen libre… à Rome, du moins ; dans les provinces, c’est différent : on peut voler à son aise. Et le sujet de la querelle ? C’est de savoir si le turbot pour la cuisson duquel Donatien vient de consulter le Sénat a été réellement mis à la sauce piquante. On s’anime, les injures pleuvent, on va en venir aux coups, lorsqu’un homme à longue barbe blanche fend le cercle, se fait expliquer le différend et lâche majestueusement quelque sentence sur la sagesse antique. Et tous les disputeurs, subitement réconciliés, de s’unir pour huer le philosophe.

Des hommes taciturnes passent rapidement comme des ombres. Parfois, ils traversent les groupes, s’arrêtent, repartent : ce sont les délateurs. Rome, en érigeant de ses fortes mains la toute-puissance de l’État, a créé du même coup ce rouage obscur, malpropre, mais indispensable à tout gouvernement : la police secrète. Elle a régularisé l’espionnage et en a fait un service administratif.

Des guerriers barbares, récemment incorporés dans les légions promènent leur carrure athlétique et leur mine ahurie. Des enfants moqueurs les suivent en piaillant comme des oiseaux, tandis que des femmes aux traits pâlis et distingués, patriciennes dissimulant leur rang sous des habits modestes, les couvent des yeux. Quelle différence avec leurs maris épuisés, aux membres frêles, à la virilité éteinte ! À l’instar de l’impératrice Messaline, les nobles dames courent Rome sous des vêtements d’emprunt, avides de se retremper dans de brutales amours.

Mais on s’écarte avec respect. Quelle est cette