contenant ses barbares de race jaune, les empêchant de se répandre sur l’Europe, l’Allemagne le joue par rapport à la Russie. Elle est la barrière sans laquelle les troupeaux du tzar nous inonderaient et nous ramèneraient à plusieurs siècles en arrière : cet afflux d’une race neuve, qui sera le salut plus tard, aurait été mortel hier et le serait encore aujourd’hui. Il est certain que les nations occidentales, à l’œuvre depuis longtemps sur la scène du monde, liées au passé par un ensemble de traditions et de vieilles mœurs, n’ont plus la vigueur nécessaire pour guider l’humanité dans ses nouvelles destinées : ce rôle appartiendra nécessairement au peuple le plus jeune. Le vingtième siècle sera aux Slaves, mais tant qu’ils demeureront les sujets d’un pape-empereur, omnipotent à l’égal des despotes asiatiques, les amis de la liberté, en dépit des sympathies et des affinités de races, regarderont avec défiance du côté de l’Orient.
L’Allemagne est en travail de révolution : « Quatre-vingt-treize n’aura été qu’une idylle », disait Henri Heine en songeant à l’avenir. Plus qu’ailleurs, la classe ouvrière y aspire à l’émancipation ; de son côté, la bourgeoisie libérale supporte impatiemment le joug de l’aristocratie militaire. Ces deux nuances d’opposition s’unissent dans le parti sozial-demokrat qui, discipliné et guidé par Liebknecht, Bebel, Vollmar, a répudié son ancien révolutionarisme pour tomber dans une opposition des plus parlementaires : la vieille histoire des évêques chrétiens s’alliant aux Césars, persécuteurs de la veille. L’empereur actuel, homme de volonté, a cru habile de jouer