Page:Malato - Révolution chrétienne et Révolution sociale, Savine, 1891.djvu/261

Cette page a été validée par deux contributeurs.

prouvé qu’il disposait d’une puissance réelle ; mais l’élan révolutionnaire lui fait défaut, l’esprit invétéré d’ordre et de loyalisme l’empêche de profiter des situations. En 1888, deux cent mille ouvriers étaient debout dans Londres, les communications, les transports étaient arrêtés : pas d’armée, une police hésitante, les révolutionnaires n’avaient qu’à saisir la balle au bond, ils ne se montrèrent pas.

Cela non par peur : l’Anglais est brave ; mais, dans son amour de méthode à tout prix, il ne comprend pas qu’à un moment donné, la situation doit être brusquée. Le coup final, qui déterminera la chute de l’oligarchie capitaliste, viendra certainement non des travailleurs enrégimentés, — ceux-ci, substituant immédiatement leur organisme à l’organisme détruit, seront bons pour assurer la victoire et en cueillir les fruits, — mais de cette foule inclassée, tant méprisée, terrible à tous les partis, terrible à elle-même, parce qu’elle sent et ne raisonne pas. Blacklegs, réfugiés internationaux, loqueteux Irlandais, mendiants, voleurs, prostituées, gens qui ont au cœur l’âpre haine de la société, se précipiteront comme un torrent : le bourgeois ventru de la Cité et le noble lord de Regent’s Street trembleront devant ces misérables.

L’Angleterre capitaliste mourra ainsi : après avoir broyé des millions d’êtres, affamé l’Irlande, domestiqué l’Inde, empoisonné d’opium la Chine, massacré les aborigènes océaniens, enveloppé l’Afrique qu’elle convoite d’un immense réseau, incarné, en un mot, la suprême puissance de l’or et transformé le monde en le modernisant, elle crèvera de-