circonstances, puis fut dénoncé par un faux frère. Reinsdorf, âme de l’entreprise, fut, après une admirable défense, condamné à mort et exécuté avec Küchler ; son cri suprême fut : « À bas la barbarie ! Vive l’anarchie ! » Trois des prévenus furent acquittés, les autres envoyés au bagne. Peu de jours après le verdict (le 13 janvier 1885), le conseiller de police Rumpf, qui avait joué un grand rôle dans ce procès et dans beaucoup d’autres, tombait sous le poignard de l’anarchiste Lieske. Celui-ci, condamné — quelle sanglante bouffonnerie ! — à mort, à huit ans de bagne et à dix ans de surveillance, subit le sort de Reinsdorf.
Plus que toute autre, la jeunesse russe, instruite et d’autant plus avide de liberté qu’elle vit dans l’oppression la plus complète, proteste par la force contre le despotisme et le privilège. Il faudrait des volumes pour contenir les noms de tous ces martyrs accrochés au gibet, expirant sous le knout, défilant en interminables convois sur les neiges de la Sibérie. Tchernichewsky, coupable d’avoir jeté aux paysans ce mot d’ordre « Terre et Liberté » et développé la critique du vieil ordre social dans un roman à thèse « Que faire ? » d’une lecture difficile pour des Français, mais rempli de pensées profondes, a vécu trente ans, enseveli dans ces steppes. Bakounine, arrêté et déporté après 1849, a su capter la confiance de ses ennemis et s’échapper pour venir reprendre la lutte en Europe.
Dans un pays comme la Russie, où la vie publique n’existe pas, sauf dans la petite commune rurale, le Mir, où toute voix indépendante est réduite au