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couleurs et de parfums ; la nature entière s’épanouit dans un sourire. Regarde, prolétaire ! regarde et ne touche pas : Rien de cela n’est à toi. Tant pis si ton ventre creux s’insurge, si ton palais se dessèche, si tes tempes bourdonnent : meurs si tu peux !

La misère de l’Irlande a souvent été décrite ; elle est effroyable, en effet, mais les landlords n’ont pas été moins impitoyables en Écosse. De 1801 à 1831, ils ont enlevé sans indemnité 3,511,770 acres de terre que cultivaient les descendants des anciens clans gaëls. Suzerains titulaires du sol, ces seigneurs voulaient devenir propriétaires effectifs : ils ne reculèrent devant rien. Une misérable, la duchesse de Sutherland, expropria à elle seule, en six années, trois mille familles formant un total de quinze mille individus. Leurs villages furent incendiés, leurs champs convertis en pâturages, une vieille femme qui se cramponnait à sa hutte fut brûlée vive, la troupe eut raison des velléités de résistance et la noble lady accapara de la sorte 794,000 acres qui, de temps immémorial, appartenaient au clan. « Les grands d’Écosse, écrivait George Ensor, ont exproprié des familles comme ils feraient sarcler des mauvaises herbes ; ils ont traité des villages et leurs habitants comme les Indiens ivres de vengeance traitent les bêtes féroces et leurs tanières. Un homme est vendu pour une toison de brebis, pour un gigot de mouton et pour moins encore… Lors de l’invasion de la Chine septentrionale, le grand conseil des Mongols discuta s’il ne fallait pas extirper du pays tous les habitants et le convertir en un vaste pâturage. Nombre de landlords écossais