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Une fois vainqueur, le christianisme se montra ingrat. Au lieu d’élever la femme à la hauteur de l’homme, il se contenta de river sa chaîne en proclamant l’indissolubilité du mariage. C’était tomber d’un excès dans un autre, à une situation instable et humiliante substituer l’esclavage perpétuel. Bon pour la caste princière ces divorces hypocrites que l’Église, toujours accommodante avec les puissances, autorisait sous le nom d’annulations. Mais l’épouse du bourgeois ou du rustre était livrée pour toujours à la tyrannie du mâle, vassal au dehors, roi au foyer. Esclave de l’esclave, sur elle pesaient toutes les misères ; qu’on juge si Jacques Bonhomme, bafoué, torturé, rançonné, était assez porté à abuser de sa double autorité paternelle et maritale.

Maltraitée chez le gueux, domestiquée, mise sous cloche chez le bourgeois et même chez le seigneur jusqu’au xvie siècle, époque où la Réforme fit pénétrer une lueur d’émancipation, claquemurée au couvent lorsqu’on voulait s’en débarrasser, la femme fut le grand souffre-douleurs du moyen âge. De cette compression, elle sortit broyée au physique et au moral, inerte ou névrosée.

La révolution de 1789, n’en déplaise aux panégyristes bourgeois, fut l’œuvre des passionnés plus que des raisonneurs. Ceux qui prirent la Bastille et rasèrent les nids féodaux étaient gens grossiers, ignorant Rousseau et les encyclopédistes, ne sachant pas lire pour la plupart. Rien ne ressemble moins à un logicien qu’un homme d’action : l’un est tout cerveau, l’autre est tout muscles. Entraînés par la force de la situation, aiguillonnés par la misère,