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l’individu, annihilé pendant des siècles, courbé de par le dogme, de par le roi, de par le seigneur, entravé dans chacun de ses mouvements, fut pris d’une soif immodérée d’expansion : son premier cri fut : « Liberté ! » liberté de penser, liberté aussi d’exploiter ou de se faire exploiter.

Pour effectuer et poursuivre cette exploitation, les nouveaux maîtres, c’est-à-dire les bourgeois possesseurs de capitaux, avaient besoin d’un homme qui maintînt la paix au-dedans, déclarant la révolution terminée et qui imposât par la guerre l’écoulement des produits français sur les marchés européens, en même temps qu’il userait par les conquêtes l’esprit révolutionnaire du peuple.

Et, pendant que les va-nu-pieds qui s’étaient levés pour aller à Jemmapes et à Valmy, frissonnant aux mots de patrie et de liberté, continuaient, rompus par l’habitude, le cerveau obscurci par la fumée des batailles, à suivre le drapeau tricolore dans ses pérégrinations, à Berlin, à Vienne, à Madrid, à Moscou, les détenteurs d’écus, succédant aux agioteurs sur les assignats, accaparaient à vil prix les terres manquant de bras par suite du départ aux armées des ci-devant serfs de la glèbe.

Dans l’ordre moral : ce n’est pas en quelques années qu’un peuple façonné depuis quinze siècles à la servitude, peut secouer le joug de l’atavisme. L’esprit de soumission lui a été transmis dans le sang par ses pères. Jeté hors de ses vieilles habitudes par des événements terribles, il tend à y revenir dès que le moteur qui le faisait agir n’existe plus, semblable au pendule qui, après avoir été vio-