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la Loi, plus équitable en apparence que celle du monarque absolu, mais mille fois plus tyrannique, car, sourde, aveugle, impersonnelle et, par conséquent, invulnérable, elle frappait le peuple au nom du peuple lui-même.

Voltairiens hypocrites, ils rouvrirent la porte au clergé après l’avoir, pensaient-ils, domestiqué. On se trompe, en croyant que Bonaparte, seul, restaura le catholicisme : Bonaparte, en dépit de ses capacités militaires et de son talent encore plus réel de metteur en scène, ne fut que l’homme de la bourgeoisie tripoteuse et chauvine, chauvine parce que la guerre lui permettait d’agioter et d’accaparer sans bruit les capitaux. Cette bourgeoisie, lassée des orages révolutionnaires, était trop pratique pour emboîter le pas aux piètres avocats des Conseils. Avide de consolider ses conquêtes, elle s’appuya sur l’épée du premier ambitieux venu. Au fait, qu’était Bonaparte ? un parvenu, lui aussi, affichant bien haut son intention de se faire médiateur entre deux siècles rivaux : comment toute la classe des juste-milieu ne l’eût-elle pas suivi ?

On rendit les prêtres, on rouvrit les églises à ce peuple auquel, déclare M. Prudhomme, il faut bien une religion, bon peuple assez naïf pour tout croire et assez patient pour tout supporter, à condition d’être heureux dans l’autre vie sinon dans celle-ci. L’homme de brumaire et du Concordat prononça plus tard le mot juste de la situation : « Quant à moi, je ne vois pas dans la religion le mystère de l’incarnation mais le mystère de l’ordre social ; elle rattache au ciel une idée d’égalité qui