qu’on repasse les légendes carlovingiennes, partout on trouvera le prêtre : ici devin (devin, divin n’ont-ils pas même étymologie divinus ?) ; là, médecin, guérissant de la parole ou du geste les blessures les plus effroyables ; ailleurs, conseiller prudent, comme l’archevêque Turpin, ou roi, comme le prêtre Jean, ce mythe fameux dans tout le moyen âge.
C’est moins un homme que le peuple entier qui, à un moment psychologique, condense sa vie et ses aspirations dans un livre fait à son image : l’écrivain reproduit surtout sous une forme personnelle des idées collectives ; tout au plus, est-il l’ouvrier qui choisit dans des matériaux épars. Le livre, à son tour, résumant l’esprit et les mœurs d’une époque qui s’éloigne chaque jour, tend à perpétuer la domination du passé sur les générations suivantes jusqu’au jour où le sentiment de révolte et de progrès, qui a couvé dans une élite de plus en plus nombreuse, trouve sa formule dans un nouveau livre.
Le Coran en est un exemple frappant. Rameau détaché du tronc sémitique, le peuple arabe a mélangé aux vieilles légendes bibliques, les croyances des chrétiens et des sabéistes qui l’entourent. Ce qui ne s’amalgame pas au tempérament de ces natures de feu, à la fois contemplatives et sensuelles, est éliminé et, lorsque le travail d’assimilation se trouve déjà aux trois quarts terminé, un homme paraît, qui codifiera le tout en préceptes religieux. Mahomet fut réellement inspiré, non par un ange, mais par l’esprit de ses contemporains. Tous ceux auxquels répugnait l’austérité de la Bible ou l’humilité du christianisme, — et ils étaient nombreux !