l’intellectualité. Pour lui, le monde se limite à son magasin, tous les problèmes se résument à la conservation de sa propriété.
Le prolétaire est généralement imprévoyant comme l’enfant et le sauvage, a-t-on dit. C’est un reproche qu’on ne saurait adresser au bourgeois. Mais le bourgeois a quelque chose à conserver, des gains réels à économiser ; l’ouvrier, lui, n’a qu’un salaire insuffisant pour le faire vivre avec sa famille d’une vie convenable. N’est-ce pas hypocrisie ou inconsciente ironie d’aller prêcher l’épargne à celui qui manque de tout ? Peut-être, sachant bien qu’il ne pourra, malgré l’économie la plus sordide, arriver à mettre de côté de quoi vivre à peu près sur ses vieux jours, l’ouvrier témoigne-t-il d’une certaine philosophie en ne cherchant point à rendre plus misérable encore sa vie de privations.
Seulement les plaisirs qu’il peut se permettre ne sont pas d’un ordre élevé ; le plus souvent ils s’achèvent dans l’officine de l’empoisonneur, débitant d’alcools.
Peut-on demander à ce serf inculte, au cerveau fatigué, d’aller écouler ses rares loisirs dans les musées devant des statues et des tableaux sans signification pour lui, ou dans les salles de conférence, en écoutant de graves pédagogues ? L’organisation de promenades champêtres, voyages, soirées familiales et représentations dramatiques sur la scène des universités populaires commence à arracher au cabaret une partie — mais combien minime ! — de la classe ouvrière.
Ce qui s’élabore en idées chez les uns demeure sentiment chez les autres : le prolétariat, inférieur au point