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« Rue Philippe-de-Commines. Une rue boueuse et grise, noyée de pluie. Un couloir étroit et noir où les deux coudes touchent les deux murs, un escalier sans rampe et sombre comme une cave, deux étages, une porte que nous heurtons, un murmure en guise de réponse. Nous entrons. Une odeur épaisse et chaude — l’odeur indéfinissable de la maladie — prend à la gorge en dépit de la fenêtre entrouverte, étrangle. Notre guide nous dit très bas :

« — Quel âge attribuez-vous à la femme que vous apercevez ?

« — Quarante-cinq à cinquante ans.

« — Elle en a vingt-six.

« Sur une chaise défoncée, une femme en haillons tousse et crache sans interruption. Elle est d’une maigreur telle que les os de ses épaules font des saillies sous le fichu et que sa colonne vertébrale se dessine sous la camisole. Elle est appuyée à une table que recouvrent les flacons et bocaux pharmaceutiques. Elle ne peut se tenir debout. La pièce a quatre mètres sur deux. Un lit en occupe la moitié ! deux berceaux sont accotés au bois du lit. Un fourneau de fonte rougeoie près de la table. Cette femme est mère de cinq enfants. L’aînée a sept ans. Elle est là, les cheveux embroussaillés, les yeux sauvages. Elle n’est jamais allée à l’école ; elle reste auprès de sa mère pour la soigner, respirant auprès d’elle, buvant à son verre, essuyant ses lèvres.

« Le père a 32 ans. Il est charretier au tissage. Il part à cinq heures du matin pour soigner ses che-