Page:Malato - La Grande Grève.djvu/98

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Ils réfléchissaient et s’essayaient, du moins un bon nombre, à penser par eux-mêmes.

La révolte vaincue de 1882 n’avait pas été inutile, certes non ; de semblables mouvements ne le sont jamais, quelle que soit leur issue. Elle avait appelé leur attention sur des idées, les avait forcés de réfléchir, de chercher eux-mêmes des solutions, au lieu de s’en remettre au hasard ou à des sauveteurs providentiels.

Et ils commençaient à comprendre cette grande parole que l’émancipation des prolétaires sera l’œuvre des prolétaires eux-mêmes. La chambre syndicale des mineurs de Mersey, demeurée debout parce qu’elle se tenait sur le terrain de la plus stricte légalité, maintenait, si modérée que dût être son attitude, un lien de solidarité familiale entre les travailleurs.

« Ils se recueillent, pensait le docteur. Le feu couve sous la cendre. »

Cette germination d’idées parmi les mineurs l’intéressait au plus haut point. Que serait le réveil de cette classe de producteurs sans laquelle l’industrie moderne serait frappée de mort ? Sans doute le jour viendrait où les mineurs, reconnaissant leur puissance, s’uniraient par delà les frontières, en France, en Angleterre, en Belgique, pour former une immense fédération, plus forte par son entente que tous les millions du Capital et alors les serfs de la veille deviendraient les maîtres.

Le docteur Paryn se leva, alla à sa fenêtre et l’ouvrit. Le soleil illuminait de ses feux le cours de la Gorne et les contreforts des Cévennes ; entre la rivière et les montagnes s’étendait, immense, un espace verdoyant de bois et de coteaux où les maisons de villages épars piquaient çà et là une note blanche.

Longuement, il contempla cette paix de la campagne contrastant avec les agitations des hommes.