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été saisi de rage. Rage d’abord de n’avoir point, lui anarchiste, participé à la destruction des croix, opérée par les mineurs — était-ce bien la peine d’être un « conscient » pour demeurer inactif au moment du chambard ? — rage ensuite à la réflexion du piège où étaient tombés les mineurs.

Fallait-il donc se mettre toute une bande pour un travail de destruction qu’un homme résolu pouvait accomplir ?

Dans la soirée du 10 septembre, les vitres du cabaret Pichet avaient volé en éclats, au chant de la Carmagnole, c’était la bande Michet qui passait. Le même soir, sous l’explosion d’une cartouche de dynamite, la grande croix de pierre de Paragey s’effondrait : c’était Galfe agissant seul. À Saint-Phallier, Faillan, Bouvignes, des habitations de paysans étaient attaquées à coups de cailloux : c’était Michet. Dans la nuit du 13, la maison du chef mineur Bardot se lézardait, dynamitée : c’était Galfe.

Celui-ci avait maintenant voué une dévotion à la poudre redoutée plus encore que redoutable, arme d’un maniement connu et d’un approvisionnement facile pour le mineur qui l’emploie contre le roc là où le pic ne peut mordre. N’est-ce pas la fée Dynamite qui, plus forte que les fusils perfectionnés et les canons des bourgeois, ouvrirait la voie à la révolution sociale ?

Toutefois, malgré la naïveté de cette ferveur, Galfe eut l’intuition de travailler seul, ne se confiant à personne. Bernin avait cherché à se lier avec lui sans y réussir : ses allures trop rondes, trop bon enfant, de beau parleur sanguin n’étaient pas en harmonie avec le caractère concentré et un peu farouche de ce nerveux. D’ailleurs le fait que Céleste Narin partageait maintenant sa demeure déterminait le jeune homme à un redoublement de prudence. Il voulait bien exposer sa liberté, sa vie pour le triomphe de son idéal ; mais, pour rien au monde, il n’eût voulu