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ne s’en tire pas. Qu’est-ce qu’on peut lui reprocher ? Rien, n’est-ce pas ? Si on l’a arrêté, on le relâchera.

Au fond, il était peu rassuré, non seulement pour Détras, mais aussi pour lui-même.

— Restez avec nous, je me lève, dit Vilaud, nous prendrons ensemble un peu de café.

Geneviève refusa. Maintenant que, de plus en plus, elle avait ce point de repère, le commissariat de police, pour s’informer du sort de son mari, elle ne voulait pas perdre de temps. Et puis, elle se sentait bizarrement énervée ; c’était non seulement l’anxiété et l’insomnie, mais un malaise physique qu’elle avait déjà éprouvé la veille pour la première fois et dont elle commençait à comprendre la cause.

Malgré les efforts de Vilaud pour la retenir, lui disant qu’il était trop tôt pour aller au commissariat, qu’on ne la recevrait pas, elle partit. Elle ne voulut pas attendre que Vilaud s’habillât pour descendre dans Mersey avec elle.

Chemin faisant elle croisa une patrouille de lignards qui arpentait la route d’un pas cadencé. Il sembla à la jeune femme que ce rythme éveillait un écho lugubre dans son cœur. Les soldats avaient la baïonnette au fusil. Geneviève s’approcha d’eux assez pour discerner sur leur col le numéro de leur régiment : le 134e.

Cinq heures sonnaient en ce moment à l’église de Mersey : la ville était encore presque endormie, mais sur la place bivouaquait une compagnie, les hommes, debout ou assis à terre devant les faisceaux formés, les officiers causant entre eux et fumant la cigarette. Et peu à peu s’ouvraient des fenêtres, des figures inquiètes ou curieuses y apparaissaient, figures d’habitants qu’avaient fini par éveiller la sonnerie de clairon et les allées et venues de détachements.

Le complot policier était si bien ourdi qu’à onze heures du soir, c’est-à-dire avant même que gendarmes et agents fussent rentrés, le commissaire de