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peut-être de s’en défaire. Quelque temps plus tard Mme  Hachenin étant venue du chef-lieu faire ostensiblement ses dévotions à la cathédrale de Tondou — les mauvaises langues insinuaient autre chose — rendit visite à la supérieure des Dames de la Merci, s’intéressant d’ailleurs depuis longtemps aux œuvres de la communauté. Par hasard, on parla domestiques, difficulté de s’en procurer à la ville d’absolument honnêtes et maniables ; ainsi la femme du banquier avait dû renvoyer une petite de dix-sept ans, pas plus, qu’elle avait prise par bonté d’âme, à quinze francs par mois. La supérieure saisit l’occasion de se débarrasser de Céleste, sinon contre argent, la vente des esclaves étant interdite, du moins avec la perspective d’un don à la communauté. Et Céleste, prônée par son bourreau comme une merveille, entra au service de Mme  Hachenin.

Ce fut incontestablement une amélioration notable dans sa vie. À la vérité on ne pensait pas à la payer : une enfant de moins de quatorze ans, recueillie « par charité » !

Ce bien-être relatif dura un an et demi. Mais un jour Mme  Hachenin s’aperçut de la disparition d’une bague. La femme de chambre soupçonnée jeta les hauts cris, d’autant plus qu’elle avait réellement commis le vol et pour se dégager accusa nettement Céleste. Celle-ci eut beau s’indigner, protester, la femme du banquier parla de la faire arrêter. Alors l’enfant, affolée à l’idée d’être emprisonnée comme voleuse, se sauva de cette opulente maison où, sous les dehors de la respectabilité bourgeoise, se cachaient la sécheresse du cœur et tous les vices possibles, car Céleste et les autres domestiques eussent pu en dire long sur le compte de Mme  Hachenin, courtisée par Schickler et par bien d’autres encore.

La malheureuse petite partit au hasard, abandonnant la ville, cherchant du travail dans les fermes,