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çonnée, émiettée sous les lourds talons des mineurs. Puis Janteau, qui ne se possédait plus, s’écria :

— Aux croix !

Sur les trois sentiers maintenant, les mineurs s’attaquaient aux croix, les arrachaient de terre après leur avoir brisé les bras.

Albert Détras laissait faire. Sérieux autant qu’énergique, il n’éprouvait pas le besoin de s’en prendre à des symboles de pierre et de bois. Par exemple, il n’avait pas eu l’idée, un instant, d’empêcher cette iconoclastie ; ah ! certes non ! Il comprenait bien trop le sentiment qui emplissait le cœur de ses camarades, obligés, sous peine de perdre le pain de la famille, de laisser leurs femmes, leurs enfants s’agenouiller humblement devant ces idoles.

Cette destruction avait quelque peu apaisé les nerfs des mineurs. Quelques-uns, commençant à envisager les suites de l’affaire, se retiraient, mi-inquiets, mi-curieux de savoir la tête que feraient le lendemain les cléricaux de Mersey.

— C’est égal, cria Janteau, c’est tout de même trop bête de rentrer comme ça nous coucher. Puisque les jésuites ont voulu ouvrir le bal, ils danseront ! À la chapelle !

— À la chapelle ! répétèrent des voix.

Janteau était maintenant chef de bande. Enivré d’enthousiasme, voyant peut-être la révolution sociale surgir quand même de ce mouvement fomenté par des mouchards — peut-on jamais savoir ! — il s’éloigna vers la droite, suivi d’une quinzaine d’hommes.

Albert Détras, bien que sensé et résolu, était profondément angoissé. Il répétait aux mineurs qui l’entouraient :

— Rentrez chez vous !

Mais il lui déplaisait d’abandonner les enthousiastes qui allaient s’exposer ; la prudence égoïste lui disait de partir : il voyait Geneviève, l’attendant