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révolution ne viendra pas un jour ! Seulement, nous sommes déjà assez malheureux comme cela sans aller nous faire coffrer bêtement.

— Pour moi, dit Albert, mon parti est pris. Je n’irai pas trouver les policiers parce que ce serait peut-être leur dénoncer de vrais révolutionnaires, mais je cacherai…

il ne termina pas : la lumière d’une fusée s’élançant de derrière les arbres raya soudain le clair-obscur du soir. En même temps, une détonation sourde retentissait.

La surprise arracha un même cri à tous les mineurs. Que voulait dire cela ? Était-ce un signal ? Mais déjà montait vers le ciel un chant lointain, chant de menace et de guerre sociale, la Carmagnole !

— C’est la révolution qui commence ! cria Janteau, ivre d’enthousiasme et tirant de dessous sa cotte un revolver.

Déjà un murmure d’orage grondait parmi les mineurs. Ronnot s’écria, le dominant :

— Mes amis, il faut nous défier. Nous sommes plusieurs qui avons reçu des armes sans savoir d’où elles viennent. Ne tombons pas dans un piège de la police : ajournons notre réunion pour ne pas nous trouver mêlés à des complications. Je vous engage tous à aller vous coucher comme moi.

Et, disant à Détras, Vilaud, Janteau : « Venez-vous ? » il prit le chemin de Mersey, suivi par nombre de mineurs.

Détras et Janteau ne furent pas de ceux-là.

Ronnot pouvait avoir raison au point de vue de la prudence ; il leur semblait honteux de se retirer ainsi, tandis que, près d’eux, des camarades exposaient peut-être leur vie. Avant tout, il fallait savoir ce qu’il en était.

Vilaud et une foule d’autres se retiraient, suivant Ronnot. Sur leur passage, ils rencontraient de nou-