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été trop chèrement achetée. La mort tragique de Galfe et de Céleste, auxquels la population ouvrière avait fait d’inoubliables funérailles, arrachait des larmes, non seulement à Détras, Geneviève et Panuel, leurs plus intimes amis, mais à tous les travailleurs de Mersey. La ville entière portait le deuil.

— De tels crimes se paieront par la mort de la bourgeoisie elle-même, disait Bernard à ses amis de la Ferme nouvelle. Son agonie, en tant que classe dirigeante, commence : l’avenir proche est aux travailleurs affranchis, maîtres du sol, de la mine et de l’outillage, formant une humanité nouvelle.

— Puisse ce jour venir bientôt ! dit gravement Geneviève. Alors on en aura fini avec les haines, les guerres, les frontières et les maîtres. Oui, ce sera véritablement une humanité nouvelle.

Le soleil couchant enveloppait comme d’un nimbe d’or la courageuse femme restée belle, d’une beauté harmonieuse et pensive, que les souffrances passées semblaient avoir encore affinée. Ses amis la regardaient et l’écoutaient, pénétrés du même sentiment, une sorte de respect religieux, comme si elle eût prophétisé l’avenir. Et Panuel, étendant une main vers Détras, une autre vers Bernard, leur dit :

— Amis, elle dit vrai : plus de frontières ! plus de maîtres ! Après la grande lutte, — la dernière — la liberté, le bonheur et l’amour pour tous !

Pendant que ces modestes travailleurs évoquaient les radieuses visions de l’avenir, une autre scène se passait dans un lieu bien différent : au Palais-Bourbon.

Paryn débutait à la tribune de la Chambre en interpellant le gouvernement sur le massacre de Chôlon. Avec une émotion indignée, il dénonçait le crime de l’autorité, les provocations préfectorales, le carnage voulu et cherché.

Pendant qu’il parlait, emporté par une force de sentiment qui le rendait véritablement éloquent, ses