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— Les réactionnaires ! murmura Raulin. Certes, non, je ne les aime pas. Mais pour ceux qui vivent de leur travail et non de politique, est réactionnaire quiconque sanctionne l’exploitation capitaliste. M. Léon Bourgeois, défenseur du vieil ordre propriétaire, est pour nous un réactionnaire tout comme un abbé Gayraud.

— Il y a une nuance.

— Peut-être, mais elle est imperceptible. La France est un malade atteint de la fièvre, qui a deux médecins à son chevet. L’un, c’est la démocratie bourgeoise, veut lui conserver la fièvre ; l’autre, c’est le nationalisme, veut lui enlever la fièvre, mais pour la remplacer par la peste. Nous désirons, nous, n’avoir ni la fièvre ni la peste.

Paryn éclata de rire, un rire auquel le vieux libertaire lui-même fit écho.

— Ah ! père Raulin, vous avez l’éloquence bien imagée ! Ni la fièvre ni la peste, c’est parfait ; mais alors pourquoi votez-vous aux élections communales ?

— Parce que la commune dans les agglomérations rurales ou le syndicat ouvrier dans les villes sont la base, la cellule de l’organisation sociale future.

— Future, c’est possible, mais pas présente !

— Qu’importe ! Le présent se détruit et l’avenir se crée.

— Ce que vous dites sera peut-être réalisé en l’an deux mille.

— Ou dans une génération. Qui peut savoir ?

— Évidemment : qui peut savoir ! alors, père Raulin, vous ne voterez pas pour moi ?

— Ni pour personne.

— Je ne vous en veux point. Tâchez, cependant de ne pas me faire perdre trop de voix.

Le brave homme eut un geste de protestation.

— Je suis contre le parlementarisme et pour l’action directe des intéressés, déclara-t-il nettement.