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naturellement voir éclore de nouvelles calomnies, ineptes mais perfides. Une fois encore les mots de « traître », « vendu », « gâteux », « canaille », allaient s’échanger entre les deux camps. C’est la monnaie courante du suffrage universel.

Le même jour, le père Raulin se présenta chez Paryn. La figure léonine du vieux libertaire reflétait une tristesse grave.

— Je devine ce qui vous amène, mon cher électeur, dit en souriant le docteur — et il appuya sur ces trois derniers mots. — Vous venez me faire de la morale.

— Électeur, oui, pour la commune, j’en suis, riposta Raulin. Mais pour la députation, jamais !

Et il ajouta, avec un tressaillement dans la voix :

— Alors, c’est bien vrai ? Vous acceptez ?

— J’accepte.

Raulin eut un profond soupir et, bien que le maire lui indiquât un siège, il demeura debout.

— Vous acceptez ! dit-il. Alors, si le sort vous favorise — et je souhaite qu’il ne vous favorise pas — vous allez abandonner l’administration d’une commune où vous avez fait, où vous pouvez encore faire du bien, tout le bien possible dans la société actuelle ? Vous allez entrer dans le cloaque où grouillent toutes les convoitises, toutes les intrigues, toutes les corruptions ? Vous allez devenir le collègue d’un Georges Berry et d’un Baudry d’Asson ?

— Le collègue et l’adversaire, précisa Paryn.

— L’adversaire ! Mais vous vous rencontrerez dans les couloirs ; vous vous saluerez, vous vous serrerez la main, vos rivalités d’idées s’émousseront et, finalement, vous ne serez plus que des collègues. Les batailles du Palais-Bourbon peuvent au surplus intéresser les ministres : elles sont sans signification pour la masse.

Le maire de Climy eut un froncement de sourcils.

— Alors, vous préférez abandonner le pouvoir aux réactionnaires ? dit-il.