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colloques animés. Dans le premier, des buveurs radicaux entonnaient la Marseillaise, car c’est un besoin irrésistible pour les expansifs de traduire leurs sentiments par des chansons ; dans le second, bourdonnaient des conversations de ce genre :

— Lui ! j’ai toujours dit que c’était un malin. Il a d’abord fait semblant de se consacrer aux intérêts communaux ; mais c’était la députation qu’il visait. Un malin, je vous dis !

— Et puis, quand il sera député, il voudra être ministre. Un rouge ministre ! ce sera du joli.

— Bah ! laissez donc ! Une fois qu’ils sont ministres, les rouges n’en font pas plus que les bleus et les blancs.

— Tout de même, il n’y est pas encore. Dieu merci, il reste des honnêtes gens pour bien voter dans le département de Seine-et-Loir.

Ces bribes de conversations donnaient le ton général. Les réactionnaires exhalaient ainsi leur indignation et de même qu’à l’Oiseau rouge, on chantait la Marseillaise, au Poisson bleu on chantait la Carmagnole antisémite.

Car on était maintenant en cette période où l’affaire Dreyfus, à Paris, mettait aux prises deux partis groupant l’un tous les partis de liberté, l’autre toutes les forces de réaction. En province, l’agitation, quoique moins intense, augmentait cependant et l’épithète de « sale juif » commençait à être jetée, tout comme dans la capitale, à ceux dont les opinions étaient au moins républicaines.

Ce jour-là, il se trouva une voix anonyme pour lancer contre le maire de Climy l’accusation devenue à la mode : « Paryn est un juif ! » Déjà, à la veille de son élection comme maire, la Gazette de Seine-et-Loir ne l’avait-elle pas accusé de fomenter, d’accord avec les capitalistes sémites, un complot de l’industrie allemande ?

L’approche d’une nouvelle période électorale devait